Vers une autonomie énergétique agricole grâce au stockage de l’énergie solaire
Dans un contexte de transition énergétique accélérée et de flambée des prix de l’électricité, l’agriculture est en première ligne. Les exploitations, particulièrement énergivores pour certaines productions (pompage, serres, élevage, irrigation…), cherchent à sécuriser leur approvisionnement énergétique tout en réduisant leur dépendance aux énergies fossiles. La solution ? Coupler production photovoltaïque et stockage d’énergie. Mais quelles sont les technologies viables aujourd’hui ? Et quelles stratégies peuvent adopter les agriculteurs pour gagner en autonomie ?
Pourquoi le stockage est indispensable à l’autonomie solaire en agriculture
Une installation solaire sans stockage est comme une fontaine sans réservoir : utile quand le soleil brille, inutile lorsqu’il fait nuit ou que les besoins en électricité explosent au mauvais moment. Dans une exploitation agricole, les pics de consommation ne coïncident pas toujours avec la production solaire. L’été, il faut irriguer au petit matin. L’hiver, il faut réchauffer les hangars à veaux. Le stockage vient alors combler ce décalage entre production et consommation.
Imaginez un élevage laitier dans l’Ouest de la France : les robots de traite, les pompes à vide, l’éclairage de l’étable, les systèmes informatisés de surveillance fonctionnent principalement le matin et en fin d’après-midi. Or, le pic de production solaire a lieu en milieu de journée. Sans stockage, une grande partie de cette énergie solaire serait réinjectée dans le réseau… ou simplement perdue.
Les technologies de stockage : quelles solutions pour les agriculteurs ?
Actuellement, plusieurs technologies peuvent répondre au besoin de stockage spécifique du monde agricole. Chacune a ses avantages… et ses contraintes.
Les batteries lithium-ion : le choix dominant
Ultra-présentes dans nos téléphones, les batteries lithium-ion s’imposent aussi dans le secteur agricole. Leur densité énergétique élevée, leur compacité et leur durée de vie raisonnable (entre 10 et 15 ans en moyenne) en font une solution de plus en plus choisie sur les exploitations. Certains modèles sont spécifiquement conçus pour les installations agricoles, avec des systèmes de monitoring adaptés.
Avantages :
- Installation rapide et modulaire
- Bonne efficacité de restitution (jusqu’à 90 %)
- Coûts en baisse constante
Inconvénients :
- Coût encore élevé pour de gros volumes de stockage
- Impact environnemental du lithium à considérer
Les batteries au plomb : une solution économique mais vieillissante
Moins performantes que leurs cousines au lithium, les batteries au plomb restent néanmoins attractives pour des exploitations à petit budget. Leur recyclabilité est un atout majeur. En revanche, leur durée de vie plus courte (environ 6 à 8 ans) et leur sensibilité à la profondeur de décharge limitent leur usage intensif.
Le stockage thermique : pour les serres et élevages
Dans certaines exploitations maraîchères sous serres ou dans les bâtiments d’élevage, la chaleur est un besoin constant. Le stockage thermique — sous forme d’eau chaude, de blocs à changement de phase ou même de matériaux réfractaires — est une alternative pertinente.
Exemple : chauffer une serre de tomates en novembre avec la chaleur captée la journée grâce à des capteurs solaires couplés à un ballon de stockage thermique de grande capacité.
L’hydrogène vert : avenir ou mirage agricole ?
L’hydrogène produit par électrolyse à partir d’électricité solaire pourrait, à terme, stocker l’énergie excédentaire pour alimenter les tracteurs ou systèmes de chauffage. En France, quelques fermes pilotes testent ce modèle. Technologie prometteuse mais encore très coûteuse à l’échelle d’une exploitation individuelle.
S’orienter vers l’autoconsommation individuelle ou collective
Stocker l’énergie solaire ouvre la porte à l’autoconsommation. Selon l’Ademe, une exploitation agricole équipée de panneaux photovoltaïques peut réduire sa dépendance au réseau de 30 à 70 %, voire atteindre l’autonomie totale dans certains cas. Deux grandes options s’offrent aux agriculteurs :
L’autoconsommation individuelle avec stockage
L’agriculteur produit, consomme et stocke son énergie solaire pour ses propres besoins. L’installation est calibrée pour la consommation propre et peut inclure un onduleur hybride intelligent pilotant batterie et électricité du réseau.
Avantages :
- Réduction des factures d’électricité
- Indépendance vis-à-vis des fluctuations du marché
L’autoconsommation collective via des boucles locales
Grâce à l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021 sur l’autoconsommation collective étendue (article L315-2 du Code de l’énergie), plusieurs exploitations ou une ferme et ses voisins peuvent se regrouper en “communauté d’énergie” pour partager la production et le stockage. Une formidable opportunité dans les zones rurales où les réseaux sont parfois saturés.
Un accompagnement législatif et financier favorable
De nombreuses aides et dispositifs encadrent ces nouvelles dynamiques énergétiques en agriculture :
- Le guichet de soutien à l’autoconsommation : la Commission de régulation de l’énergie (CRE) autorise des primes à l’investissement pour les projets d’autoconsommation avec vente de surplus, dans la limite de 500 kWc.
- Le Plan de relance agricole : prévoit le financement de solutions d’énergie renouvelable et de stockage dans les exploitations.
- Le programme France 2030 : ambitionne de faire émerger des gigafactories de batteries et de soutenir l’hydrogène vert notamment pour les applications agricoles.
- Les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) : certains projets photovoltaïques avec stockage peuvent bénéficier de ce mécanisme de soutien.
Les exploitants agricoles peuvent aussi s’appuyer sur des initiatives locales, comme les coopératives d’énergie renouvelable ou les chambres d’agriculture, qui accompagnent activement ces transitions.
Des retours d’expérience inspirants sur le terrain
Partout en France, des agriculteurs innovent pour associer production solaire, stockage et autonomie. Dans la Drôme, un vigneron a installé un système hybride photovoltaïque-batterie pour alimenter son chai, son système d’irrigation et sa maison. Résultat : une facture divisée par trois, moins de dépendance au réseau et une image d’exploitation écoresponsable auprès de ses clients.
Dans le Finistère, une exploitation laitière a installé 150 m² de panneaux solaires et une batterie de 50 kWh. L’électricité stockée est utilisée pour le chauffage de l’eau du tank à lait la nuit et pour alimenter les systèmes de traite. Le taux d’autonomie est désormais de 65 %.
Réussir son projet de stockage : les clés du succès
Avant d’investir, mieux vaut anticiper les étapes clés de son projet :
- Faire un audit énergétique précis pour connaître sa consommation réelle sur 12 mois
- Analyser la courbe de charge pour optimiser le dimensionnement du stockage
- Simuler la rentabilité du projet en intégrant l’investissement, les économies à long terme et les aides
- Anticiper l’évolution de ses besoins (nouvelles productions, équipements supplémentaires…)
- Choisir une solution évolutive ouverte aux technologies futures (hydrogène, recharge de tracteurs électriques, etc.)
Pour les agriculteurs, le stockage de l’énergie solaire n’est pas seulement un outil technique. C’est un levier de souveraineté énergétique, de compétitivité, et même de communication positive auprès des consommateurs. Et surtout, c’est un pas concret vers un modèle agricole plus résilient face aux crises climatiques et énergétiques à venir.
